Les certificats médicaux présentés par un salarié n’établissent qu’une présomption simple d’incapacité de travailler, de sorte que la force probante desdits certificats peut être combattue par l’employeur qui suspecte que la maladie est prétextée. Cette contre-preuve peut être rapportée par tous moyens et non seulement par une expertise médicale. Sachant qu’aux termes de l’article 405 du Nouveau Code de procédure civile « chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes qui sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice », il n’est partant pas rare que les employeurs choisissent de faire appel aux services d’un tiers pour vérifier les sorties du salarié malade et pour attester des faits observés en justice1. Ils peuvent confier la mission soit à un huissier de justice, ou bien encore à une société spécialisée telle une agence de détectives. Cette manière de procéder a déjà permis de dévoiler plus d’un salarié déloyal qui, tout en étant déclaré médicalement incapable de travailler, se livrait à des activités contredisant son état de maladie telles que l’exercice de la profession d’agent immobilier au sud de la France2 ou la location de camping-cars en Allemagne.3
La Cour d’appel a toutefois récemment mis en doute l’admissibilité de ce mode de preuve lorsque, contrairement à sa jurisprudence traditionnelle, elle a refusé de prendre en considération le rapport d’une société de surveillance mandatée par l’employeur pour observer, pendant deux semaines, les allées et venues de deux salariés depuis leur domicile. Selon la Cour, « cette filature organisée pour contrôler et surveiller des faits relevant de la vie privée d’un salarié constitue un moyen de preuve illicite, dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée du salarié. De ce fait, elle ne saurait être justifiée par les intérêts, fussent-ils légitimes, de l’employeur. »4
Quelques mois après ce prononcé, le tribunal du travail a précisé que c’est uniquement si l’immixtion dans la vie privée est disproportionnée par rapport au but poursuivi, qu’il convient d’écarter l’attestation du détective. Au contraire, « dans le cas où l’immixtion est mesurée et n’excède pas les exigences de la preuve, la production d’un rapport d’une agence de détectives peut être retenue, comme tout autre moyen de preuve. Ces rapports peuvent être admis comme un simple témoignage écrit dans le cas où les rapports sont corroborés par d’autres éléments de preuve».5 En l’espèce, le détective s’était limité à deux observations ponctuelles qui ne se rapportaient en rien à la vie privée de la salariée, puisqu’elles ont eu lieu dans la salle des cours de danse où elle donnait des cours de Zumba, soit à un endroit ouvert au public où l’employeur ou n’importe quel témoin aurait pu les faire. L’immixtion a donc été jugée proportionnée et le rapport recevable au même titre que tout autre témoignage d’une personne au service de l’une des parties.
Cette affaire ayant été tranchée en première instance seulement, sans appel, une certaine incertitude subsiste toutefois quant aux conditions de recevabilité des dépositions du détective. Or, leur rejet systématique, notamment dans des affaires « où les observations incriminées ont eu lieu uniquement dans des lieux publics, conduirait à rendre impossible tout témoignage de la part de personnes dont la mission peut être d’observer et de contrôler certains faits ou prestations. Il en résulterait une dénaturation systématique de la convention des Droits de l’homme en faveur des contractants de mauvaise foi qui échapperaient à tout constat de leur faute. »6